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ou du poëte ; mais en racontant ses actions, il convient de ne rien dire qui excède ses facultés.

La possibilité ne suffit pas pour justifier un écrivain. Il faut encore qu’il respecte la vraisemblance. Aristote, et un sage moderne, dont l’autorité n’aura pas un jour moins de poids que la sienne, pensent avec raison que le poëte qui décrit un événement incroyable, ne sauroit en alléguer la vérité pour excuse. Ce principe, fort juste en poésie, ne peut s’appliquer à l’histoire. L’historien est obligé de rapporter les faits, comme il les trouve, lors même que, par leur nature extraordinaire, ils exigent, pour être crus, la foi la plus robuste. Tel fut, dans les temps anciens, le malheureux armement de Xerxès, ou la brillante expédition d’Alexandre ; et dans les siècles modernes, la bataille d’Azincourt gagnée par Henri V, ou celle de Nerva remportée par Charles XII ; événements qui étonnent d’autant plus, qu’on y réfléchit davantage.

De pareils faits constituent une partie essentielle de l’histoire, et loin que l’historien soit blâmable d’en tracer un tableau fidèle, on ne lui pardonneroit pas de les omettre, ou de les altérer. Il en est d’autres moins importants, quoiqu’aussi avérés, qu’il peut supprimer, par égard pour le scepticisme des lecteurs. Nous mettrons de ce nombre la bizarre anecdote du spectre de