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turel) nous souhaiterions que Polyphème se fût borné à vivre de laitage, et qu’il eût conservé son œil. Nous partageons le chagrin qu’éprouva le roi d’Ithaque, de l’indigne métamorphose que Circé fit subir à ses compagnons, quoiqu’elle nous paroisse réellement peu probable ; car la magicienne aimoit trop l’espèce humaine, pour changer des hommes en pourceaux. Nous voudrions aussi qu’Homère eût connu la règle prescrite par Horace, de n’user qu’avec sobriété de l’intervention des agents surnaturels. On ne verroit pas ses dieux remplir sur la terre tant de vulgaires messages, et se conduire souvent de façon à perdre toute espèce de titres au respect, et à devenir même des objets de mépris et de risée. De si bizarres peintures devoient blesser la foi des païens éclairés, et on ne sauroit les expliquer qu’en supposant, comme nous avons été quelquefois tenté de le croire, que le prince des poëtes avoit l’intention de tourner en ridicule la crédulité superstitieuse de son siècle et de son pays.

Mais c’est insister trop long-temps sur une doctrine, qui ne peut-être d’aucun usage pour un auteur chrétien. Si sa religion lui défend d’introduire dans ses ouvrages cette milice céleste qui fait partie de sa croyance, la raison l’empêche aussi d’emprunter le secours de ces divinités