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Jones lui découvrit alors tout le mystère, en le conjurant de ne point punir le pauvre soldat, qui étoit, assura-t-il, aussi innocent de l’évasion de l’enseigne, qu’incapable d’imaginer un mensonge pour tromper son chef.

Le lieutenant hésita un moment, puis il répondit : « Vous le justifiez d’une partie de l’accusation, et on ne sauroit prouver l’autre ; car il n’a pas été le seul soldat en faction. J’aurois, toutefois, grande envie de punir le drôle de sa poltronnerie… Mais, qui peut calculer les effets d’une terreur panique ? Je lui dois la justice de dire, qu’il s’est toujours comporté vaillamment devant l’ennemi… Allons, il est heureux, après tout, de voir dans ces gens-là quelques signes de religion. Je vous promets de le mettre en liberté, au moment du départ… Mais j’entends battre la générale. Embrassez-moi, mon cher enfant, tranquillisez-vous, n’oubliez pas que la patience est la vertu du chrétien ; adieu, j’espère que vous serez bientôt en état de tirer de votre adversaire une vengeance honorable. »

Le lieutenant partit à ces mots, et Jones, demeuré seul, essaya de prendre un peu de repos.