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Ce récit fut accueilli favorablement par l’auditoire. Toutes les femmes y ajoutèrent une foi aveugle, et prièrent le ciel de les préserver du malheur de répandre le sang humain. La plupart des hommes ne se montrèrent pas moins crédules. Quelques-uns cependant se permirent de tourner l’histoire en ridicule. « Jeune homme, dit froidement, au factionnaire, un sergent qui étoit présent, vous avez beau dire, vous n’en serez pas quitte à si bon marché, pour avoir dormi et rêvé à votre poste.

— Il ne tient qu’à vous de me punir, répondit le soldat. La vérité est pourtant que j’étois aussi éveillé que je le suis maintenant ; et je consens que le diable m’emporte, comme il a emporté M. Northerton, si je n’ai pas vu le volontaire mort, à telles enseignes qu’il avoit les yeux aussi flamboyants que deux torches ardentes. »

Le commandant du détachement et la maîtresse de l’auberge arrivèrent sur ces entrefaites. Le premier étoit éveillé, quand le factionnaire avoit tiré son coup de fusil. Il avoit cru devoir se lever sur-le-champ, quoiqu’il n’appréhendât rien de bien fâcheux. La seconde éprouvoit une inquiétude beaucoup plus vive ; elle craignoit que ses cuillers et ses pots ne décampassent, sans son ordre, avec la troupe.

Le pauvre factionnaire, presque aussi effrayé