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uns en chemise, les autres à demi-vêtus, qui se demandoient avec anxiété la cause du bruit qu’ils avoient entendu.

Le soldat n’avoit point changé de place, ni d’attitude. On essaya de le relever, et d’abord on le crut sans vie ; mais on revint bientôt de cette erreur. Le prétendu mort, non content d’opposer une vigoureuse résistance à ceux qui tentoient de le soulever, se mit à beugler, comme un taureau. Il se croyoit entre les mains d’une troupe de revenants, ou de démons ; son imagination troublée de l’horreur d’une apparition, transformoit tous les objets qu’il voyoit, ou qu’il sentoit, en autant de fantômes.

Enfin, à force de bras, on réussit à le remettre sur ses pieds. Lorsqu’on eut apporté de la lumière, et qu’il vit devant lui deux ou trois de ses camarades, il reprit un peu ses sens. On lui demanda ce qui étoit arrivé ; il répondit : « Je suis un homme mort, voilà tout ; je n’en reviendrai pas, je l’ai vu.

— Qu’as-tu vu, Jacques ? dit un des soldats.

— J’ai vu le jeune volontaire qui a été tué hier, oui je l’ai vu tout couvert de sang, vomissant des flammes par la bouche et par le nez. Il a passé à côté de moi, il est entré dans la chambre de l’enseigne Northerton, l’a saisi par la gorge et emporté dans les airs avec un bruit semblable à celui du tonnerre.