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ajouta-t-il, une obligation infinie, si vous pouvez m’en procurer une. J’en donnerai un prix raisonnable. Peu m’importe que la poignée soit d’argent ou de cuivre. Il ne me faut qu’une bonne lame, qui aille bien au côté d’un soldat. »

Le sergent n’ignoroit ni la scène du dîner, ni l’état dangereux de Jones ; il conclut d’une pareille démarche, faite à une telle heure de la nuit, et dans une semblable situation, que notre jeune homme avoit le transport au cerveau. En fin matois, que sa présence d’esprit n’abandonnoit jamais, il conçut aussitôt l’idée de tirer parti de la fantaisie du malade. « Monsieur, lui dit-il, je crois que je puis faire votre affaire : j’ai une excellente épée ; elle n’est point, il est vrai, montée en argent, ce qui, comme vous le dites fort bien, ne sied pas à un soldat ; mais la poignée en est propre, et la lame, une des meilleures de l’Europe. C’est une lame qui… une lame qui… En un mot, je vais vous la chercher, et vous en jugerez. Sur mon honneur, je suis ravi de voir votre seigneurie en si bonne santé. »

Il revint, un instant après, avec l’épée. Jones l’examina, la trouva à son gré, et lui en demanda le prix.

Notre homme fit d’abord un pompeux éloge de sa marchandise ; il jura que cette épée avoit appartenu à un général françois. « Je la lui pris