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la parole. Le lecteur voudra donc bien se contenter des circonstances les plus remarquables, et peut-être nous saura-t-il gré d’avoir supprimé le reste.

On commença par se saisir de M. Northerton. Six hommes, avec un caporal à leur tête, l’enlevèrent d’un lieu qu’il avoit grande envie de quitter, pour le conduire dans un autre où il ne se soucioit guère d’aller. Or, admirez les étranges caprices de l’ambition. Le jeune enseigne eut à peine obtenu le triomphe dont on a parlé, qu’il se seroit estimé fort heureux d’être caché dans quelque coin du monde, où le bruit de sa gloire ne fût point parvenu.

Nous sommes surpris, et le lecteur pourra l’être aussi, que le digne et bon lieutenant ait plutôt songé à s’assurer de l’agresseur, qu’à secourir le blessé. Nous faisons ici cette remarque, moins avec la prétention d’expliquer une conduite si singulière, que pour empêcher les critiques de la faire un jour, et d’en tirer vanité, comme d’une découverte. Il est bon d’apprendre à ces messieurs, que nous sommes aussi capable qu’eux d’observer ce qu’il y a de bizarre dans les caractères ; mais notre devoir se borne à rapporter les faits tels qu’ils sont ; et quand nous l’avons rempli, c’est au lecteur habile et pénétrant à consulter le livre original de la nature, d’où nous emprun-