Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/180

Cette page a été validée par deux contributeurs.

des occasions solennelles, à parler de leurs maîtres avec une liberté sans bornes.

Notre petite armée, composée de deux compagnies d’infanterie, étant arrivée au lieu où elle devoit faire halte ce soir-là, le sergent dit au lieutenant qui étoit l’officier commandant, qu’il avoit recruté en chemin deux fantassins, dont l’un, haut de près de cinq pieds et demi, robuste et bien proportionné (il parloit de l’ivrogne), étoit un des plus beaux hommes qu’il eût jamais vus ; l’autre (désignant Jones) seroit bon pour le second rang.

Tous deux furent présentés au lieutenant. Il commença par examiner l’homme de cinq pieds et demi qu’on lui amena d’abord. Passant ensuite à Jones, au premier coup-d’œil, il ne put se défendre d’un mouvement de surprise ; car notre héros, outre l’agrément de sa figure, et l’élégance de son habillement, avoit un air de dignité peu ordinaire aux gens du commun, et qui n’est pas toujours le partage des gens de qualité.

« Monsieur, lui dit le lieutenant, mon sergent m’apprend que vous désirez de vous enrôler dans la compagnie que je commande. Si cela est, je serai charmé d’y recevoir un jeune gentilhomme qui promet de l’honorer par sa valeur. »

Jones répondit qu’il n’avoit point parlé de s’enrôler ; que rempli de zèle pour la noble cause