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Jones se contenta d’une punition négative, et suivit ses nouveaux camarades, laissant à cet homme le triste plaisir de se venger de lui par des injures et des malédictions. L’aubergiste fit chorus avec le guide : « Oui, oui, dit-il, c’est un joli garçon, je vous assure, un beau gentilhomme sur ma foi ! il porte un habit brodé, et va se faire soldat ! il justifie bien le proverbe : Tout ce qui reluit n’est pas or. Je me félicite d’en être débarrassé. »

Le sergent et le jeune soldat marchèrent tout le jour à côté l’un de l’autre. Le premier, qui étoit un insigne hâbleur, fit à son compagnon mille récits intéressants de combats où il ne s’étoit jamais trouvé ; car il étoit entré depuis peu au service, et ne devoit sa hallebarde[1], qu’à son adresse à capter la bienveillance de ses chefs, et à son rare talent pour le recrutement.

Il régna pendant la route une grande gaîté. Les soldats s’amusoient à raconter les aventures de leur dernière garnison, et se permettoient sur le compte de leurs officiers, des plaisanteries souvent grossières, quelquefois même outrageantes. Cette licence rappela au souvenir de Jones l’usage qui, en Grèce et à Rome, autorisoit les esclaves, en certain jours de fêtes, et dans

  1. Signe distinctif du grade de sergent, en Angleterre.Trad.