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voix la généreuse résolution de Jones. Les soldats en furent enchantés, et s’écrièrent d’une commune voix : « Vive le roi Georges ! vive votre seigneurie ! » Puis ils ajoutèrent avec mille serments : « Nous verserons pour tous deux jusqu’à la dernière goutte de notre sang. »

Un des voyageurs qui avoit passé presque toute la nuit à boire avec l’hôte, séduit par les arguments palpables qu’un caporal lui mit dans la main, consentit à faire aussi partie de l’expédition. Déjà le porte-manteau de M. Jones étoit placé sur le fourgon, et la troupe alloit se mettre en marche, quand le guide arrête notre jeune héros et lui dit : « Monsieur, veuillez considérer que mes chevaux ont été dehors toute la nuit, et que nous avons fait un long détour. C’est pourquoi vous me donnerez, j’espère, quelque chose en sus du prix convenu. » Jones, étonné de l’impudence du drôle, qui prétendoit se faire payer de l’erreur qu’il avoit commise, soumit sa réclamation au jugement des soldats. Tous le déclarèrent coupable de mauvaise foi. Les uns proposèrent de lui lier ensemble le cou et les talons ; les autres de le faire passer par les verges ; le sergent le menaça de sa canne, et témoigna, en termes énergiques, le regret de ne pas l’avoir sous ses ordres, pour lui infliger un châtiment exemplaire.