Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.

j’aimerois mieux recevoir dans ma maison mes deux plus mortels ennemis.

— Eh bien ! allez vous-même chez vous, allez où il vous plaira, je ne veux pas demeurer davantage dans votre compagnie.

— Comme tu voudras, ami, je ne prétends imposer ma compagnie à personne. » Alors il fit mine de tirer de l’argent de sa poche ; mais Jones le poussa assez rudement hors de la chambre.

Cette conversation émut notre héros jusqu’au fond de l’ame. Tant que parla le quaker, il eut l’œil fixe et hagard. Celui-ci s’aperçut de son trouble, et cette remarque, jointe à ses premières observations, lui persuada que le jeune homme avoit perdu l’esprit. Au lieu donc de ressentir l’affront qu’il en avoit reçu, il eut pitié du triste état où il le voyoit, et confiant son idée à l’aubergiste, il le pria de prendre grand soin de son hôte, et de le traiter avec tous les égards possibles.

« Des égards pour lui ! dit l’aubergiste, vous nous la baillez belle. Apprenez que, malgré son habit brodé, il n’est pas plus gentilhomme que moi. C’est un pauvre bâtard de paroisse, élevé chez un riche écuyer à trente milles d’ici environ, et qui vient d’être chassé par son bienfaiteur, pour quelque action sans doute peu honorable. Je le mettrai à la porte de chez moi, dès que je