— Ah ! mon ami, c’est une fille unique qui en est la cause, une fille qui faisoit ma félicité sur la terre, et qui, cette semaine, s’est enfuie de chez moi, et s’est mariée contre mon gré. Je lui avois trouvé un parti sortable, un homme sage et riche ; mais il lui a plu de se choisir elle-même un mari, et elle est partie avec un jeune freluquet, qui n’a pas un sou vaillant. Si elle étoit morte, comme je suppose que l’est ton amie, je serois heureux.
— Vous me surprenez, monsieur.
— Eh quoi ! ne vaudroit-il pas mieux qu’elle fût morte, que d’être réduite à la mendicité ? car, je te le répète, le jeune drôle n’a pas un sou vaillant ; et certes elle ne doit pas compter que je lui donne jamais un schelling. Non, puisqu’elle s’est mariée par amour, qu’elle vive d’amour, si elle peut. Qu’elle aille porter son amour au marché ; elle verra ce qu’on lui offrira en échange de cette belle marchandise.
— Monsieur, vous reviendrez à des sentiments plus conformes à vos intérêts.
— Il falloit qu’ils eussent formé, de longue main, le projet de me tromper ; car ils se connoissoient depuis l’enfance. Je n’avois cessé de prémunir ma fille contre les dangers de l’amour ; je lui avois dit mille fois, que l’amour n’étoit qu’une folie, qu’une passion criminelle. La rusée feignoit de