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TOM JONES.

voit refuser d’obéir à ses ordres absolus, et le bon écuyer avoit pris ces mots pour un consentement véritable. Dans son ivresse, il donna à sa fille un billet de banque d’une valeur considérable, pour acheter toutes les parures qu’elle voudroit, il l’embrassa, la serra contre son cœur, et des larmes d’attendrissement coulèrent de ces mêmes yeux qui, un moment auparavant, lançoient des regards étincelants de rage sur l’objet de toutes ses affections.

Rien de plus commun que de voir un père agir de la sorte. Nous avons donc tout lieu de croire qu’on sera peu surpris de la conduite de M. Western. Dans le cas contraire, nous l’avouerons, il nous seroit impossible d’en rendre raison, puisque à notre avis, il est incontestable qu’il adoroit sa fille. Ce même aveuglement de la tendresse paternelle, a fait le malheur d’une infinité d’enfants. Quoique presque universel, il nous a toujours paru la plus inconcevable folie qui soit jamais entrée dans la tête de cette étrange et merveilleuse créature, décorée du nom d’homme.

Les caresses de M. Western produisirent sur le tendre cœur de Sophie l’impression la plus vive, et lui inspirèrent une pensée que ni les sophismes de sa politique tante, ni les menaces de l’écuyer n’avoient pu faire naître dans son esprit. Elle avoit pour son père tant de respect, un amour