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TOM JONES.

du temps, avant que Sophie fût en état de remplir ses promesses ; car elle ne devoit jouir du bien de sa mère qu’après la mort de son père, et ne toucheroit qu’à sa majorité, une somme de trois mille livres qu’un de ses oncles lui avoit léguée. Or, des époques si éloignées, et mille événements imprévus, pouvoient, dans l’intervalle, empêcher l’effet de ses intentions généreuses. La récompense, au contraire, qu’elle espéroit de l’écuyer, ne se feroit pas attendre. Tandis qu’elle s’attachoit à cette idée, le bon génie de Sophie, ou celui qui veilloit à l’honneur de mistress Honora, ou tout simplement le hasard, fit naître un incident qui raffermit la fidélité chancelante de la soubrette, et facilita le succès de son stratagème.

La femme de chambre de mistress Western se prétendoit, à plusieurs titres, très-supérieure à Honora. Premièrement elle étoit mieux née, sa bisaïeule, du côté maternel, tenant d’assez près à la famille d’un pair d’Irlande ; en second lieu elle gagnoit de meilleurs gages ; enfin elle avoit été à Londres, et par conséquent connoissoit mieux le monde. Aussi prenoit-elle avec Honora des airs de hauteur, exigeant d’elle ces égards, que dans toutes les classes de la société, les femmes d’un rang plus élevé se croient dus par celles d’un étage inférieur. Honora ne se montroit pas