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CHAPITRE VII.

n’étoit pas le cas d’Honora. L’amour n’agitoit son cœur ni de crainte, ni d’espérance : elle avoit d’ailleurs un grave sujet d’inquiétude. Sa petite fortune consistoit presque tout entière dans sa garde-robe. Quelques-uns des objets qui la composoient, outre leur valeur intrinsèque, avoient encore pour elle un prix de fantaisie. Elle tenoit par des motifs particuliers à telle robe, à telle parure : celle-ci lui alloit bien ; une amie lui avoit donné celle-là ; elle avoit acheté l’une depuis peu ; l’autre étoit depuis long-temps en sa possession. Honora ne pouvoit se résoudre à laisser, en partant, ses pauvres nippes à la merci de M. Western, qui ne manqueroit pas, dans sa fureur, de les livrer aux flammes.

Ayant tenté vainement d’ébranler la résolution de sa maîtresse, elle imagina un moyen ingénieux de sauver sa chère garde-robe : ce fut de se faire renvoyer le soir même. Sophie approuva son projet, sans deviner toutefois par quel tour d’adresse elle parviendroit à l’accomplir. « Oh, dit Honora, mademoiselle peut s’en rapporter à moi. Nous autres domestiques, nous savons à merveille la manière d’obtenir de nos maîtres la faveur d’un congé. Il est vrai que parfois, lorsqu’ils n’ont pas de quoi nous payer nos gages sur-le-champ, ils endurent nos impertinences, et n’en tiennent nul compte ; mais l’écuyer