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TOM JONES.

les périls, que de vous voir commettre une telle imprudence.

— Quoi ! Honora, dit Sophie en souriant, vous craindriez de vous servir d’un pistolet, contre un homme qui attenteroit à votre honneur ?

— Assurément, mademoiselle, l’honneur est le premier des biens, pour nous autres pauvres domestiques surtout, puisque c’est, à vrai dire, notre gagne pain. Mais j’ai horreur des armes à feu. Elles causent tant d’accidents !

— Hé bien soyez tranquille, Honora, je crois pouvoir répondre de votre honneur à beaucoup meilleur marché, et sans faire usage d’armes à feu. Je louerai des chevaux à la première ville que nous trouverons. Il y aura bien du malheur, si nous sommes attaquées avant d’y arriver. Enfin, Honora, je suis décidée à fuir ; et si vous consentez à me suivre, je vous promets toutes les récompenses qui dépendront de moi. »

Cette promesse fit sur Honora plus d’impression, que les raisons précédentes. Lorsqu’elle vit sa maîtresse si affermie dans son dessein, elle cessa de le combattre, et toutes deux s’occupèrent des moyens de l’exécuter. Il se présenta d’abord une difficulté sérieuse, celle du transport de leurs effets. Sophie en fut moins frappée qu’Honora. Une fille qui fuit un amant, ou qui court après lui, compte pour rien les obstacles. Ce