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CHAPITRE VII.

fois, dans de longues soirées d’hiver, la fatigue de la danse avec un homme qui m’étoit indifférent. Refuseront-elles de m’aider à fuir l’homme odieux auquel on veut m’unir pour la vie ?

— Eh quoi, mademoiselle y songe-t-elle ? Courir ainsi les champs la nuit, à pied, toute seule ?

— Je ne serai pas seule, Honora, puisque vous m’avez promis de m’accompagner.

— Oui sans doute, mademoiselle, je vous suivrai jusqu’au bout du monde ; mais autant vaudroit, à peu près, que vous fussiez seule. Si nous rencontrions en chemin des voleurs, ou des bandits, je ne me sentirois pas en état de vous défendre. Je serois, pour ma part, aussi effrayée que vous ; car, à coup sûr, nous aurions tout à craindre de leur violence. Considérez en outre, mademoiselle, combien les nuits sont longues et glaciales dans cette saison. Il y auroit de quoi mourir de froid.

— Un pas vif et soutenu nous garantira du froid ; et si vous ne vous sentez pas la force, Honora, de me protéger contre les insultes d’un brigand, je me charge, moi, de vous défendre. Il y a toujours dans le salon deux pistolets chargés : j’en emporterai un.

— Ma chère demoiselle, vous m’effrayez de plus en plus. Juste ciel ! Vous oseriez vous servir d’un pistolet ! j’aimerois mieux m’exposer à tous