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TOM JONES.

voient ? elle décampoit au plus vite ; et puis, quelque charmée que soit cette dame de vous voir, comme assurément chacun le seroit à sa place, lorsqu’elle saura que vous vous êtes enfuie de chez monsieur votre père…

— Vous vous trompez, Honora, elle n’a pas pour l’autorité paternelle autant de respect que moi. Quand elle me pressoit d’aller à Londres avec elle, et que je refusois de l’accompagner, sans le consentement de mon père, elle se moquoit de moi, me traitoit de sotte, de campagnarde, et ajoutoit, en riant aux éclats, qu’une fille aussi soumise seroit quelque jour, pour un mari, un véritable trésor. Je puis donc me flatter de trouver chez elle un asile, jusqu’à ce que mon père, me voyant hors de son pouvoir, revienne enfin à la raison.

— Fort bien. Mais, mademoiselle, avez-vous songé aux moyens de prendre la fuite ? Comment vous procurerez-vous des chevaux, une voiture ? Vous ne pouvez pas compter sur votre cheval. Maintenant que les domestiques se doutent de ce qui se passe, Robin se feroit plutôt tuer sur la place, que de le laisser sortir de l’écurie, sans un ordre exprès de monsieur votre père.

— Je m’échapperai, à pied, du château, dès que les portes en seront ouvertes. J’ai, grace au ciel, de bonnes jambes ; elles ont soutenu plus d’une