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CHAPITRE VII.

porter l’idée de partager sa couche… il existe dans la nature de ces sortes d’antipathies ; et quelquefois on aimeroit mieux toucher une bête venimeuse, que la peau de certaines gens… »

Sophie étoit trop absorbée dans ses pensées, pour prêter l’oreille aux excellentes réflexions de sa femme de chambre. Elle l’interrompit brusquement. « Honora, lui dit-elle, mon parti est pris. Je quitte cette nuit même le château de mon père, et si vous avez réellement pour moi l’attachement que vous m’avez souvent témoigné, vous n’hésiterez point à me suivre.

— Je suivrai mademoiselle jusqu’au bout du monde ; mais avant de hasarder une pareille démarche, je la supplie d’en bien considérer les suites. Où mademoiselle compte-t-elle aller ?

— J’ai à Londres une parente qui est une femme de qualité. Pendant que je demeurois à la campagne chez ma tante, elle vint y passer plusieurs mois. Elle me marqua beaucoup d’affection, et me prit si fort en gré, qu’elle vouloit m’emmener à Londres avec elle. Comme c’est une personne de distinction, il me sera facile de trouver sa demeure, et je ne doute pas qu’elle ne m’accueille avec bonté.

— Ne vous y fiez pas, mademoiselle. Ma première maîtresse avoit aussi coutume d’inviter les gens à venir chez elle. Apprenoit-elle qu’ils arri-