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TOM JONES.

tress Western proposa de conclure et d’exécuter, sans délai, le traité d’alliance avec M. Allworthy. « Je connois, dit-elle, ma nièce ; elle ne résistera pas à une attaque violente, je veux dire à une brusque attaque ; car, mon frère, point d’emprisonnement, point de contrainte. Il nous faut prendre la place par surprise, et non d’assaut. »

Cette espèce de tactique venoit d’être adoptée, lorsqu’on annonça M. Blifil. Aussitôt l’écuyer, par le conseil de mistress Western, sortit du salon, monta chez sa fille, lui enjoignit de se préparer à recevoir son amant d’une manière convenable, et accompagna cet ordre des menaces et des imprécations les plus effroyables, en cas de désobéissance.

L’impétuosité de M. Western étoit irrésistible. Sophie, comme son habile tante l’avoit prévu, fut incapable d’en soutenir le choc. Interdite et désespérée, elle consentit d’une voix foible, à recevoir M. Blifil. Eh ! comment auroit-elle pu opposer un refus formel à la volonté d’un père si tendrement aimé ? Sans sa vive affection pour lui, elle auroit trouvé dans son cœur la force de lui résister. Trop souvent on attribue à la crainte des sacrifices, qui sont l’ouvrage de l’amour.

Sophie, par soumission aux ordres absolus de son père, reçut donc la visite de M. Blifil. Des scènes de ce genre, longuement décrites, sont