Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 2.djvu/131

Cette page a été validée par deux contributeurs.
116
TOM JONES.

dre attachement. Non, elle n’est pas la plus méchante sœur du monde ; je la crois, au contraire, une des meilleures qui existent.

— C’est-à-dire, en bon françois, que j’ai tort. Oui, sans doute, oui les hommes ont toujours tort, et les femmes ont toujours raison.

— Pardonnez-moi, mon père, je ne dis pas cela.

— Eh ! que dites-vous donc ? Puisque vous avez l’impudence de lui donner raison, ne s’ensuit-il pas nécessairement que j’ai tort ? Oui assurément, j’ai grand tort de souffrir dans ma maison une presbytérienne, une Hanovrienne qui m’accusera au premier jour de conspiration contre l’État, et fera confisquer ma fortune, au profit du gouvernement.

— Ô mon père ! loin que ma tante ait envie de nuire à votre personne, ou à votre fortune, si elle étoit morte hier, je suis sûre qu’elle vous auroit laissé tout son bien. »

Ces mots, que Sophie prononça peut-être sans dessein, produisirent plus d’effet sur l’écuyer, que tout ce qu’elle lui avoit dit jusque-là. Tel qu’un homme atteint d’une balle à l’improviste, il tressaillit, pâlit, chancela. Après quelques minutes de silence : « Quoi ! dit-il en balbutiant, hier elle m’auroit laissé tout son bien ! seroit-il vrai ? Pourquoi hier, plutôt que tout autre jour ?