remontrances sur son goût excessif pour le vin. Enfin, elle l’avoit prié avec instances de la mener passer deux mois à Londres. Il s’y étoit refusé sèchement, et lui en avoit toujours gardé rancune, étant bien persuadé qu’il n’y avoit pas à Londres un mari, qui ne fût trompé par sa femme.
Pour cette dernière raison, et pour mille autres non moins bonnes, il en étoit venu au point de détester cordialement mistress Western. Il ne lui cachoit pas sa haine, tant qu’elle vécut, et il la lui conserva après sa mort. À la moindre contrariété qu’il éprouvoit, quand un brouillard dérangeoit sa chasse, ou quand ses chiens étoient malades, il s’en prenoit à la défunte, et s’écrioit avec dépit : « Si ma femme vivoit encore, elle en seroit bien aise ! »
L’écuyer se plaisoit surtout à lancer ces traits satiriques devant Sophie. Il l’aimoit avec passion, et ne lui pardonnoit pas d’avoir eu pour sa mère, plus d’affection que pour lui. La conduite que tenoit alors Sophie ne servoit qu’à augmenter sa jalousie ; car il ne pouvoit obtenir d’elle, ni par prières, ni par menaces, qu’elle approuvât un langage qui offensoit à la fois ses oreilles et son cœur.
On s’étonnera peut-être que l’écuyer n’ait pas fini par haïr sa fille, autant qu’il haïssoit sa femme ; mais l’amour, même envenimé par la jalousie,