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TOM JONES.

clination ! cette audace m’étonne. Une jeune fille de votre âge, oser parler de son inclination ! Quoi qu’il en soit, la résolution de mon frère est prise, et je vais en presser l’exécution. Votre inclination ! »

Sophie, les yeux baignés de pleurs, se jeta aux pieds de sa tante ; elle implora sa pitié ; elle la conjura de lui pardonner ses efforts, pour détourner le coup dont elle étoit menacée. « C’est moi, madame, s’écria-t-elle, qui suis la seule intéressée dans cette affaire ! c’est contre mon bonheur que l’on conspire ! »

Lorsqu’un dur sergent, armé d’un décret de prise de corps, se saisit d’un malheureux débiteur, il voit couler ses larmes sans émotion. En vain l’infortuné essaie de l’attendrir, en lui montrant une épouse chérie, un enfant au berceau, une jeune fille, pâle d’effroi, qu’il va priver de leur appui ; le farouche recors inaccessible à tout sentiment d’humanité, détourne les yeux de ce triste spectacle, et se hâte de remettre entre les mains du geôlier, sa misérable proie.

Ainsi la politique mistress Western, sourde aux prières, insensible aux pleurs de sa nièce, s’apprête à la livrer à l’odieux Blifil.

« Loin d’être la seule intéressée dans cette affaire, lui répond-elle avec véhémence, vous n’y avez qu’un intérêt secondaire. Il s’agit, avant