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TOM JONES.

« Je n’ai point, madame, répartit Sophie, assez de présomption pour oser combattre aucune de vos opinions ; et le mariage, je le répète, n’a jamais été, et ne sera peut-être jamais, l’objet de mes pensées.

— En vérité, Sophie, cette dissimulation est tout-à-fait inutile avec moi. Quand les François me persuaderont qu’ils ne prennent des villes étrangères que pour la défense de leur pays, vous me ferez accroire aussi que vous n’avez jamais songé au mariage. Pouvez-vous, mon enfant, vous jouer ainsi de moi ? Je connois très-bien, vous le savez, celui à qui vous brûlez de vous unir par une alliance non moins contraire à la nature et à votre intérêt, que le seroit aux affaires de la Hollande une ligue particulière avec la France ? Au reste, si vous n’avez pas encore songé au mariage, je vous préviens qu’il est temps d’y penser sérieusement ; car votre père est décidé à conclure, sans délai, votre union avec M. Blifil ; je me suis rendue garante du traité, et j’ai promis votre adhésion.

— Hélas ! madame, pour la première fois de ma vie, je ne saurois obéir à vos ordres, ni à ceux de mon père. Le refus d’un pareil mariage n’exige pas de ma part une longue délibération.

— Si je n’avois pas autant de philosophie que Socrate, vous pousseriez ma patience à bout.