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CHAPITRE III.

fort longuement touchant le mariage, qu’elle envisagea, non à la façon des poëtes, comme un lien des cœurs tissu par l’amour et par la sympathie, non en théologienne, comme une institution divine et sacrée, mais en financière, comme une banque où les femmes prudentes placent leurs fonds, au plus haut intérêt possible.

Quand elle eut épuisé son éloquence, Sophie lui répondit : qu’elle étoit incapable d’argumenter contre une personne de tant de savoir et d’expérience, et particulièrement sur un sujet qui avoit été jusque-là aussi étranger à ses réflexions, que celui du mariage.

« Argumenter contre moi, petite fille ! répliqua mistress Western ; vraiment, je le crois bien. Je n’aurois guère profité de ma connoissance du monde, si j’étois réduite à argumenter contre un enfant. Ce que j’ai pris la peine de vous dire, n’avoit pour but que votre instruction. Les anciens philosophes, tels que Socrate, Alcibiade, et autres, n’avoient point coutume d’argumenter contre leurs disciples. Vous devez m’écouter, comme un autre Socrate. Ce n’est pas votre opinion que je vous demande, mademoiselle, c’est la mienne dont je vous instruis. » On peut inférer de ce langage, que la bonne mistress Western n’avoit pas plus étudié la philosophie de Socrate, que celle d’Alcibiade.