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CHAPITRE II.

répondroient aux miens, le moyen de la voir, sans l’exposer au courroux de son père ? Et comment, pourquoi la voir ?……… Pour la solliciter de consentir à sa ruine ? Aurai-je la cruauté de satisfaire ma passion à ce prix ? Irai-je me cacher autour du château, comme un vil brigand, pour exécuter des desseins criminels ? Non, cette pensée me fait horreur. Adieu Sophie, adieu la plus aimable, la plus aimée des femmes ! » Ici la douleur lui ferma la bouche, et ses pleurs recommencèrent à couler.

Déterminé à s’éloigner, il n’hésita plus que sur la route qu’il prendroit. Le monde, suivant l’expression de Milton, étoit ouvert devant lui ; et comme Adam, il n’avoit personne à qui demander des consolations, ou du secours. Tous ses amis étoient ceux de M. Allworthy. Comment compter sur leur appui, après avoir perdu le sien ? Les gens riches qui ont l’ame noble et sensible, devroient se garder de sacrifier trop légèrement ceux dont l’existence dépend de leur générosité ; car la privation de leur faveur est presque toujours, pour ces infortunés, le signal d’un abandon universel.

Quel genre de vie embrasser ? que faire ? Ce fut le second sujet des réflexions de Jones. L’avenir n’offroit à ses yeux qu’un vide effrayant. Tout état, tout commerce exige un long apprentissage,