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duite. Votre frère me paroît un homme d’honneur et de sens. Je ne désapprouve point le goût de ma sœur pour lui, persuadé que je suis qu’elle est aussi l’objet de son affection. J’ai toujours regardé l’amour comme l’unique fondement du bonheur, dans le mariage. Lui seul produit cette vive et tendre amitié, qui doit être le ciment de l’union conjugale. Tout mariage contracté par d’autres motifs, me semble très-criminel. C’est une profanation de la plus sainte des cérémonies, que suivent d’ordinaire les regrets et le malheur. N’est-ce pas, en effet, commettre une véritable profanation, que de convertir une institution divine en un coupable sacrifice à l’avarice, ou à la volupté ? et peut-on donner un autre nom à ces alliances, dans lesquelles on ne considère que la fortune, ou la beauté ?

« Refuser à la beauté le privilége de plaire aux yeux, d’exciter même un sentiment d’admiration, ce seroit une injustice et une absurdité. L’Écriture en parle souvent, et toujours avec estime. J’eus moi-même le bonheur d’épouser une femme que le monde trouvoit belle, et, s’il faut dire la vérité, je ne l’en aimois que mieux. Mais n’envisager dans le mariage que la beauté, la rechercher avec une passion qui rende insensible à toutes les imperfections morales, ou l’exiger d’une manière si absolue, qu’on dédaigne une