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nence, on étoit dispensé d’assister aux repas, ou libre de sortir de table, dès qu’on le souhaitoit, sans être gêné dans sa conduite par des sollicitations beaucoup moins flatteuses qu’importunes ; car, il faut l’avouer, les instances d’un supérieur en pareil cas, ressemblent trop à des ordres. Aucun des hôtes de M. Allworthy ne sentoit la moindre dépendance, ni l’homme opulent dont on recherche partout la société, ni ces convives nécessiteux à qui leur indigence rend l’hospitalité si utile, et qu’on voit d’autant moins bien accueillis chez les grands, qu’ils ont un besoin plus pressant de leur assistance.

Au nombre des derniers, se trouvoit le docteur Blifil. Il tenoit de la nature les plus rares dispositions ; mais elles lui étoient devenues inutiles, par l’obstination de son père à lui faire embrasser une profession qu’il n’aimoit pas. Il avoit été forcé dans sa jeunesse d’étudier la médecine, ou plutôt de paroître l’étudier. Dans le vrai, les livres qui traitent de cet art, étoient presque les seuls qui lui fussent étrangers. Le pauvre docteur possédoit à fond la plupart des sciences, hors celle qui devoit lui donner de quoi vivre : aussi, à l’âge de quarante ans, n’avoit-il pas de pain.

Un tel personnage pouvoit se flatter d’être bien reçu chez M. Allworthy, près de qui l’in-