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Cependant, grace aux soins et à la bonté de son protecteur, Jenny se vit bientôt à l’abri de toute insulte. La méchanceté publique, perdant alors le moyen de s’exercer sur elle, chercha un autre aliment à sa rage : elle ne craignit point d’attaquer M. Allworthy lui-même. Un bruit sourd se répandit, qu’il étoit le père de l’enfant trouvé.

Cette supposition sembloit expliquer si bien sa conduite, qu’elle obtint l’assentiment général. Aussitôt la censure qu’avoit d’abord excitée sa foiblesse, se changea en cris d’indignation contre sa barbarie. De graves et charitables matrones anathématisèrent les hommes qui font des enfants aux filles et les désavouent ensuite. Plusieurs allèrent jusqu’à insinuer, que Jenny avoit été enlevée dans une intention trop noire, pour qu’on osât la divulguer, et donnèrent à entendre qu’il falloit éclaircir le fait par une enquête régulière, et forcer certaines personnes à représenter la victime.

Ces calomnies auroient pu compromettre, ou du moins affliger un homme dont la vertu n’eût pas égalé celle de M. Allworthy. Elles ne firent sur lui aucune impression ; il les dédaigna, et laissa les commères du voisinage en amuser leurs loisirs.

Comme nous ne saurions deviner le caractère