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bli que par ignorance. Il me suffira d’en réveiller le souvenir dans votre cœur ; car je voudrois y faire naître le repentir, et non le désespoir.

« Le déréglement des mœurs produit encore d’autres effets, moins funestes à la vérité, mais bien propres cependant à effrayer votre sexe, et à le détourner des sentiers du vice.

« Il vous rend infame ; il vous bannit, comme autrefois les lépreux, du sein de la société, et ne vous laisse de commerce qu’avec les méchants et les réprouvés, qui seuls recherchent votre compagnie.

« Avez-vous de la fortune ? il vous ôte les moyens d’en jouir d’une manière honorable. En êtes-vous privé ? il vous empêche d’en acquérir, de gagner même votre subsistance. Toutes les maisons honnêtes vous sont fermées, et la nécessité vous précipite souvent dans un excès d’opprobre et de misère, d’où résulte inévitablement la perte du corps et de l’ame.

« Quel plaisir est capable de compenser un tel malheur ? quelle tentation assez séduisante pour vous aveugler à ce point sur vos véritables intérêts ? La volupté peut-elle dominer, ou endormir si complètement votre raison, qu’elle vous ôte la force de fuir avec horreur un crime toujours suivi d’une effroyable punition ?

« Il faut qu’une femme soit bien déhontée,