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créature abandonnée et applaudit à l’action charitable de son frère.

On ne sera pas surpris de la condescendance de cette dame, lorsqu’on saura que M. Allworthy, en finissant son récit, avoit annoncé la résolution de garder l’enfant chez lui, et de l’élever comme son propre fils. Miss Bridget étoit toujours disposée à se conformer aux désirs de son frère ; elle ne le contrarioit presque jamais. Ce n’est pas qu’elle ne se permît de temps en temps quelques réflexions chagrines : elle disoit, par exemple, que les hommes sont entêtés, violents, impérieux, qu’elle s’estimeroit heureuse d’avoir une fortune indépendante ; mais ces réflexions, proférées à voix basse, n’excédoient pas le ton d’un léger murmure.

Toutefois l’indulgence qu’elle montra pour l’enfant, ne s’étendit pas jusqu’à la mère inconnue ; elle la traita de misérable, de coquine, d’infame ; elle lui prodigua tous les noms injurieux dont l’austère vertu ne manque pas de flétrir les femmes qui déshonorent leur sexe.

Après cette diatribe, on délibéra sur les moyens de découvrir la coupable ; et d’abord on scruta la conduite des servantes du château. Toutes furent acquittées par mistress Déborah, avec une apparence de justice. C’étoit elle-même qui les avoit choisies, et il eût été difficile de