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l’écuyer s’occupa de Jones. « Allons, mon garçon, lui dit-il, ôte ton habit et lave-toi le visage ; car, en vérité, tu fais peur. Allons, lave-toi, te dis-je, et suis-moi au château. Nous verrons à t’y trouver un autre habit. »

Jones obéit, ôta son habit, et lava dans le ruisseau son visage et sa poitrine, qui étoient tout souillés de sang. L’eau en effaça aisément les taches, mais elle ne put faire disparoître les marques noires et bleues que le poing de Thwackum y avoit imprimées. Sophie les aperçut et en poussa un soupir, qu’elle accompagna du plus tendre regard.

Ce regard ne fut pas perdu pour Jones. Il fit sur lui une impression plus forte que ses blessures, mais une impression bien différente : celle-ci étoit si douce, si délicieuse, que tous les coups qu’il avoit reçus dans le combat, eussent-ils été autant de coups de poignard, elle en auroit suspendu un instant la douleur.

La compagnie revint sur ses pas, et arriva bientôt à l’endroit où Thwackum venoit de relever M. Blifil. Qu’il nous soit permis d’exprimer ici le vœu d’un ami de l’humanité. Plût au ciel que toutes les querelles se décidassent désormais avec les seules armes, dont la sage nature nous a pourvus ! Le fer homicide ne seroit plus employé qu’à déchirer les entrailles de la terre ; la guerre,