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faisoit, et il l’avoit rappelée à la vie, avant qu’ils eussent atteint le bord du ruisseau. Sophie ouvroit les yeux, étendoit les bras, et jetoit un faible cri, au moment où son père, sa tante, et le ministre, arrivèrent.

Jones qui ne s’étoit point dessaisi jusque-là de son précieux fardeau, le remit alors entre leurs mains. Ce ne fut pas, toutefois, sans se permettre un tendre baiser : liberté dont Sophie se seroit sûrement offensée, si elle avoit eu l’entier usage de ses sens. Comme elle n’en témoigna aucun déplaisir, il faut croire qu’elle n’étoit pas tout-à-fait revenue à elle.

Cette scène tragique se changea en une scène de joie, où notre héros joua sans contredit le principal rôle. Plus sensible peut-être au bonheur d’avoir sauvé Sophie, qu’elle ne l’étoit à la conservation de sa propre vie, il fut aussi le premier objet des félicitations générales. L’écuyer, après avoir embrassé sa fille une ou deux fois, sauta au cou de Jones et faillit l’étouffer de tendresse. Il l’appela le sauveur de Sophie, et déclara que hors sa fille et sa terre, il n’y avoit rien au monde qu’il ne fût prêt à lui donner. Cependant, après un moment de réflexion, il excepta encore ses chiens de chasse, et la Paysanne, sa jument favorite.

L’état de Sophie ne causant plus d’inquiétude,