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peut inspirer le délire de la joie. Mais l’ivresse, loin de lui inspirer l’envie de quereller personne, augmentoit, s’il est possible, l’enjouement accoutumé de son humeur.

C’est une erreur commune de croire que les gens querelleurs et méchants, dans le vin, sont d’un caractère pacifique et doux, avant d’avoir bu. Le vin ne change pas le naturel de l’homme, il ne crée point en lui de nouveaux penchants ; il le prive de la raison, sa sauvegarde habituelle, et le force à découvrir des vices qu’il a l’art de cacher, lorsque aucun nuage n’obscurcit son esprit. Il excite, il allume les passions, surtout celle qui domine dans le cœur. Ainsi la colère, l’amour, la gaîté, l’avarice la générosité, en un mot toutes les affections de l’ame, se manifestent dans l’ivresse avec un degré extraordinaire d’énergie.

Cependant, comme il n’y a point de pays où les liqueurs spiritueuses engendrent plus de rixes qu’en Angleterre, principalement parmi le bas peuple, pour qui boire et se battre sont des termes presque synonymes, nous serions fâché qu’on inférât de ce que nous venons de dire, que les Anglais sont la plus méchante de toutes les nations. Peut-être l’amour de la gloire est-il la source ordinaire de leurs querelles, et, dans ce cas, il faudroit leur décerner la palme du courage. Rien