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on introduise le médecin par l’autre. C’est le sens du vieil adage : Venienti occurrite morbo,

Hâtez-vous d’attaquer le mal dans sa naissance.

De cette façon la maladie et le médecin se trouvent en présence, et peuvent combattre à armes égales. Si, au contraire, on laisse la maladie se fortifier et se retrancher dans la place, il devient très-difficile et quelquefois impossible au plus habile praticien de l’en déloger. Souvent même, en gagnant adroitement du temps, elle parvient à mettre la nature de son côté, et à rendre impuissantes toutes les ressources de l’art. Telle étoit, autant qu’il nous en souvient, l’opinion du savant docteur Misaubin. Il avoit coutume de se plaindre qu’on l’appeloit toujours trop tard. « Je crois, Dieu me pardonne, disoit-il, que mes malades me prennent pour un entrepreneur de convois. Ils ne m’envoient chercher que quand la maladie les a tués. »

Faute de soins, l’indisposition de M. Allworthy fit des progrès si rapides, que quand l’ardeur de la fièvre l’obligea d’appeler un médecin, le docteur, dès son arrivée, déclara en secouant la tête qu’on avoit trop tardé à l’avertir, et que le malade étoit dans le plus grand péril. M. Allworthy, qui avoit mis ordre à ses affaires dans ce monde, et qui étoit aussi bien préparé pour l’au-