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jours après, que cette vertu, qu’il croyoit si rebelle, avoit déjà subi le joug d’un vainqueur, il donna une plus libre carrière à ses désirs. Square n’étoit point de ces gens délicats qui rebutent un mets friand, parce qu’un autre en a goûté avant eux. Au contraire, il n’en aimoit que mieux Molly, coupable d’une première foiblesse, sentant bien qu’avec son innocence, elle auroit été plus difficile à vaincre. Il tenta l’entreprise et réussit.

Ce seroit une erreur de croire que Molly préférât le philosophe à son jeune amant. S’il lui avoit fallu opter entre eux, nul doute que Jones n’eût été l’objet de son choix. Square ne dut pas seulement le succès qu’il obtint, à ce calcul des plus simples, que deux valent mieux qu’un (calcul qui eut pourtant son poids dans la balance). L’accident et l’absence de Jones, furent encore pour lui des circonstances favorables. Enfin, quelques présents qu’il sut faire à propos, amadouèrent si bien la jeune fille, qu’elle ne put résister à une occasion opportune, et Square triompha sans peine des faibles restes de sa vertu.

Ce fut environ quinze jours après que Jones, rendant visite à sa maîtresse, la trouva couchée avec Square. Cette circonstance explique assez pourquoi la vieille mère lui dit d’abord que Molly n’étoit pas à la maison. Comme elle tiroit parti du désordre de sa fille, elle l’encourageoit et le