Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/335

Cette page a été validée par deux contributeurs.

avec le temps, à se contenter d’une fortune supérieure à ses espérances, et capable de satisfaire son ambition, en l’élevant au-dessus de ses égales. Il résolut, en conséquence, de saisir la première occasion de hasarder une proposition de ce genre.

Un jour que l’écuyer étoit à la chasse, Tom, qui commençoit à sortir, le bras en écharpe, s’échappa du château, et courut chez Molly. Il trouva sa mère et ses sœurs qui prenoient le thé. Elles lui dirent d’abord que Molly n’étoit pas à la maison ; un instant après, la fille aînée lui apprit, avec un malin sourire, qu’elle étoit en haut dans son lit. Tom, instruit de l’état de sa maîtresse, monta en silence l’échelle qui conduisoit à sa chambre. La porte en étoit fermée, ce qui lui causa quelque surprise ; il frappa, et attendit un peu de temps avant qu’on ouvrît ; car Molly, à ce qu’elle lui dit depuis, dormoit alors profondément.

On a remarqué que l’extrême douleur et l’extrême joie produisent des effets à peu près semblables, et que quand l’une ou l’autre affecte notre ame à l’improviste, elle la remplit d’un tel désordre, que l’exercice de nos facultés en demeure souvent suspendu. La présence inopinée de Jones causa tant d’émotion à Molly, que pendant plusieurs minutes, elle ne put exprimer le ravissement dont il est naturel de supposer qu’elle