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tous les matins des fanfares sous la fenêtre du malade, en partant pour la chasse, et d’entrer chez lui au retour, en poussant son cri ordinaire : Taïaut ! taïaut ! sans s’informer s’il dormoit ou non.

Ces façons bruyantes, comme elles étoient exemptes de toute malice, ne produisirent non plus aucun effet fâcheux. La légère contrariété qu’elles causoient à Jones, fut d’ailleurs bien compensée par la visite de Sophie, que M. Western lui amena, dès qu’il put se lever. Bientôt il eut la force de descendre au salon, où elle le charmoit durant des heures entières par une musique délicieuse, qu’elle n’interrompoit que quand il plaisoit à l’écuyer de lui demander le vieux sir Simon, ou quelque autre de ses airs favoris.

Sophie avoit beau s’observer, elle ne pouvoit se rendre toujours maîtresse des mouvements de son cœur : car l’amour est comme un feu secret qui tend à se faire jour ; si on lui ferme une issue, il s’en ouvre une autre. Ce que sa bouche cachoit avec un soin extrême, ses yeux, sa rougeur, un geste involontaire, le déceloient malgré elle.

Un jour, elle jouoit du clavecin, et Jones l’écoutoit, assis auprès d’elle. L’écuyer entra dans le salon en s’écriant : « Morbleu ! Tom, je viens d’avoir une rude querelle à ton sujet, avec ce pédant de Thwackum. Figure-toi, mon garçon, qu’il