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M. Blifil ne visitoit son camarade que rarement, et jamais seul. Ce vertueux jeune homme, malgré les marques d’attachement et de compassion qu’il affectoit de donner à Jones, évitoit toute intimité avec lui, de crainte, insinuoit-il souvent, de s’exposer à la contagion. Il avoit sans cesse à la bouche le proverbe de Salomon, sur le danger des mauvaises compagnies. Son zèle n’étoit pourtant pas aussi amer que celui de Thwackum. Il exprimoit toujours quelque espoir, que l’incomparable bonté de son oncle finiroit par amender un sujet qu’il croyoit encore susceptible de retour à la vertu ; mais il ajoutoit, que si M. Jones commettoit de nouvelles fautes, il auroit le chagrin de ne pouvoir plus se permettre d’embrasser sa défense.

L’écuyer Western ne sortoit guère de la chambre du malade, que pour chasser ou pour boire. Quelquefois même il s’y faisoit apporter son pot de bière, et ce n’étoit pas sans peine qu’on l’empêchoit de forcer Jones à en prendre sa part. Jamais charlatan n’attribua tant de vertu à son baume, que M. Western en attribuoit à la bière ; il en parloit comme d’une panacée plus efficace que toutes les drogues des apothicaires. On obtint pourtant, à force d’instances, qu’il n’en fît pas l’essai sur Jones. Le bon écuyer avoit encore une manie dont on ne put le guérir : c’étoit de sonner