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ouvrage prosaï-comi-épique. A-t-on jamais demandé le motif de la rigoureuse unité de temps et de lieu, réputée de nos jours si essentielle à la poésie dramatique ? Exige-t-on des critiques qu’ils disent pourquoi une comédie ne peut pas embrasser l’espace de deux jours, aussi bien que celui d’un seul ? ou pourquoi les spectateurs, pourvu qu’on les fasse voyager sans frais, comme des électeurs[1], ne seroient pas transportés à cinquante milles, aussi bien qu’à cinq ? Quel commentateur a su rendre raison de l’étroite limite des cinq actes, qu’Aristote a fixée au drame ? Enfin est-il quelqu’un qui ait tenté de définir ce que les juges modernes du théâtre entendent par le genre noble et le genre bas, distinction subtile à l’aide de laquelle on a réussi à bannir toute gaîté de la scène, et à la rendre aussi soporifique que nos salons ? Dans ces diverses questions, le monde semble avoir adopté un axiome bien connu : Cuicumque in arte sua perito, credendum est, il faut en croire quiconque est habile dans son art ; et en effet, comment imaginer qu’il existe des gens assez impudents pour s’ériger en docteurs, et pour établir des règles dans un art ou dans une science, dont ils ne posséderoient pas les pre-

  1. Cette coutume ne regarde que les électeurs de certains comtés d’Angleterre.Trad.