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boire que de l’eau de gruau et de garder le lit. M. Western l’obligea d’en accepter un chez lui.

Honora étoit du nombre des personnes présentes à l’opération. Aussitôt qu’elle fut achevée, sa maîtresse la fit appeler, et lui demanda comment alloit M. Jones ? La soubrette s’extasia sur le courage qu’il avoit montré, qualité admirable, dit-elle, dans un si joli jeune homme. Elle loua avec plus de chaleur encore la beauté de sa personne, entra dans beaucoup de détails à ce sujet, et n’oublia pas de vanter la blancheur de sa peau.

Ce discours produisit sur la physionomie de Sophie un effet qui n’auroit pas échappé à la soubrette, si elle avoit regardé une seule fois sa maîtresse en face, pendant qu’elle parloit. Mais une glace placée vis-à-vis d’elle, lui offroit une figure qu’elle préféroit à toute autre : en sorte qu’elle ne détourna pas un instant ses regards de cet aimable objet. Honora étoit si occupée du sujet qui exerçoit sa langue, et de l’image qui captivoit ses yeux, qu’elle laissa à Sophie le temps de se remettre de son trouble. « Honora, lui dit-elle en souriant, certainement vous êtes amoureuse de ce jeune homme.

— Amoureuse ! moi, mademoiselle ? Je vous jure, sur mon honneur, qu’il n’en est rien.

— Et quand vous le seriez, il n’y auroit pas