Page:Fielding - Tom Jones ou Histoire d'un enfant trouvé, tome 1.djvu/298

Cette page a été validée par deux contributeurs.

et l’homme de l’art se mit en devoir de remplir ses fonctions. Pendant qu’on préparoit ce qui étoit nécessaire, il entreprit de rassurer Sophie ; car il étoit convaincu que sa répugnance pour la saignée, ne venoit que de la peur. Il lui protesta qu’elle pouvoit être parfaitement tranquille ; qu’il n’arrivoit jamais d’accidents, que par l’ignorance de praticiens ineptes, et il eut soin d’insinuer, qu’avec lui, rien de semblable n’étoit à craindre.

« Je n’ai aucune crainte, lui dit Sophie ; quand vous m’ouvririez une artère, je vous jure que je vous le pardonnerois.

— Oui ! bien toi, s’écria l’écuyer, mais non pas moi. Qu’il s’avise, morbleu ! de te faire le moindre mal, et je veux être damné, si je ne lui tire pas tout le sang qu’il a dans les veines. »

Le chirurgien consentit à saigner Sophie à cette condition, et mit dans l’exercice de son art autant de dextérité et de promptitude qu’il l’avoit promis. Il ne lui tira que peu de sang, disant qu’il valoit mieux renouveler la saignée, que d’en faire d’abord une trop forte.

Sophie se retira aussitôt que son bras fut bandé. Elle ne vouloit point assister à l’opération que Jones alloit subir, et l’exacte bienséance ne lui permettoit peut-être pas d’en être témoin. Le principal motif de son éloignement pour la saignée, quoiqu’elle ne l’eût pas manifesté, avoit