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Le principal motif qui l’arrêtoit, eût été jadis, pour elle, un puissant attrait ; c’étoit l’occasion fréquente de rencontrer Tom Jones, qu’elle vouloit éviter. Mais la saison de la chasse touchoit à sa fin. Sophie pensa qu’une courte absence achèveroit de la guérir de sa malheureuse passion, et se persuada qu’elle seroit en état, l’automne suivante, de revoir Tom Jones sans danger.

Dès la seconde chasse, comme elle revenoit au château, et n’en étoit plus qu’à quelque distance, son cheval, dont l’ardeur fougueuse auroit exigé le talent d’un meilleur écuyer, se mit tout-à-coup à bondir et à se cabrer de telle sorte, qu’elle étoit en grand danger de tomber. Jones, qui la suivoit de près, s’en aperçut ; il vola aussitôt à son secours, sauta lestement à terre, et saisit son cheval par la bride. Alors l’animal rétif se dressant sur ses pieds de derrière, se débarrassa de son charmant fardeau, que Jones reçut dans ses bras.

Sophie, à demi morte d’effroi, ne put d’abord répondre aux questions empressées du jeune homme, qui lui demandoit avec une tendre sollicitude, si elle n’étoit point blessée. Quand elle eut repris ses sens, elle l’assura qu’elle ne s’étoit fait aucun mal, et le remercia du service qu’il lui avoit rendu.

« Si j’ai eu le bonheur de vous être utile, mademoiselle, dit Jones, j’en suis assez récompensé.