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sens, quelque ami qu’il soit de la diversité, s’étonne ou se plaigne de ne nous entendre nommer qu’un seul objet. La tortue, comme le sait par une longue expérience l’alderman de Bristol, grand connoisseur en bonne chère, la tortue fournit aux gourmands plus d’un mets délicieux ; et le lecteur instruit ne peut ignorer que la nature humaine, bien que prise ici dans une acception générale, offre à l’esprit une si prodigieuse variété, que le plus habile cuisinier auroit plus tôt épuisé les ressources du règne animal et végétal, qu’un auteur ingénieux la richesse d’un sujet si étendu.

Des personnes d’un goût difficile nous feront peut-être une objection : la nature humaine, diront-elles, est une matière trop commune. N’est-ce pas le fond des romans, des nouvelles, des comédies, des poëmes, dont les boutiques des libraires sont tapissées ? Mais un épicurien seroit privé d’une infinité de mets exquis, s’il suffisoit, pour les proscrire comme trop vulgaires, qu’on vît un aliment du même nom sur la table du plus pauvre artisan. Au fait, il est presque aussi rare de rencontrer dans les écrivains la vraie nature, que de trouver chez les marchands de comestibles un véritable jambon de Mayence, ou un véritable saucisson de Bologne.

Pour continuer cette métaphore, tout le mérite