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conviens qu’ils ont grand tort de hanter si mauvaise compagnie ; et lorsqu’il leur en arrive mal, ce n’est que justice. Il est sûr cependant que ces coquines-là sont les plus coupables. Oh, je voudrois de tout mon cœur les voir fouetter à la queue d’un tombereau. Quel dommage qu’elles soient cause de la perte d’un si joli jeune homme ! car on ne peut disconvenir que M. Jones ne soit le plus joli jeune homme qui… »

Elle alloit continuer sur ce ton, quand Sophie l’interrompit avec un air d’humeur qui ne lui étoit pas ordinaire : « Pourquoi, je vous prie, lui dit-elle, m’étourdir de ces sots propos ? que m’importe ce que fait M. Jones ? Allez, vous vous ressemblez toutes ; et vous qui parlez, vous ne valez peut-être pas mieux qu’une autre…

— Moi, mademoiselle ! je suis fâchée que vous ayez de moi une telle opinion. Je suis sûre qu’il n’y a rien à reprendre dans ma conduite. Tous les jeunes gens du monde peuvent aller au diable, je ne m’en soucie guère. Quoi ! parce que j’ai dit que M. Jones étoit un joli jeune homme ? Eh mais, chacun le dit comme moi. En vérité, je ne croyois pas qu’il y eût du mal à dire d’un jeune homme qu’il étoit joli ; mais assurément je ne dirai plus cela de M. Jones ; car la beauté de la figure n’est rien, quand la conduite n’y répond pas. Une misérable créature…