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nous venons de rappeler, une interprétation maligne. « J’avoue avec peine, dit-il à M. Allworthy, que j’ai été trompé, aussi bien que vous. J’ai applaudi à certaines actions, qui me sembloient inspirées par l’amitié. Quoiqu’il y eût de l’excès dans ce sentiment, et que tout excès soit un mal, je le pardonnois en faveur de l’âge. Je ne soupçonnois guère que des mensonges, dont la cause nous paroissoit à tous deux si honorable, n’avoient pour but que de couvrir un honteux libertinage. Vous voyez clairement aujourd’hui, le motif de la feinte amitié que ce jeune homme témoignoit au garde-chasse. Il protégeoit le père, pour séduire la fille ; il préservoit une famille des horreurs de la faim, pour conspirer le déshonneur et la ruine d’un de ses membres. Est-ce là de l’amitié ? est-ce là de la générosité ? Je le demande avec sir Richard Steele, l’épicurien qui prodigue l’or pour satisfaire sa sensualité, mérite-t-il le titre de généreux ? C’en est fait, je n’accorderai plus rien désormais à la foiblesse humaine, et n’appellerai du nom de vertu, que ce qui cadrera avec la règle infaillible de la justice.

La bonté de M. Allworthy avoit écarté jusque-là ces idées de son esprit ; mais, présentées par un autre, elles étoient trop spécieuses, pour qu’il les rejetât sans examen. Les suggestions de Square le frappèrent vivement, et lui causèrent un