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tres ! comme si Allworthy étoit un modèle de continence ? Tout le canton ne sait-il pas de qui Tom est fils ? J’ai connu Allworthy à l’université.

— À l’université ? je ne croyois pas qu’il y eût été.

— Si, si, il y a été, et nous y avons fait des nôtres ensemble. Je vous le donne pour le plus grand séducteur de filles qu’il y ait à cinq milles à la ronde. Non, non, ni Allworthy, ni personne au monde n’en voudra mal à Tom pour cette bagatelle, je vous en réponds. Demandez à Sophie ce qu’elle en pense. »

C’étoit faire à cette jeune personne une cruelle question. Elle avoit remarqué le changement de couleur de Tom, pendant le récit du ministre, et cet indice, joint au brusque départ du jeune homme, lui donnoit lieu de penser que les conjectures de M. Western n’étoient pas dénuées de fondement. Alors se dévoila tout-à-coup à ses yeux le secret de son cœur, ce grand secret qui, depuis si long-temps, ne se découvroit à elle que par degrés et d’une manière presque insensible. Elle ne put se dissimuler le vif intérêt qu’elle prenoit à cette affaire. La question cynique de son père lui causa une émotion capable de la trahir ; mais l’écuyer étoit peu clairvoyant. Sophie se leva, en disant que la discrétion l’engageoit à se retirer. Il la laissa sortir, et se contenta