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Sophie montra ce jour-là plus d’enjouement, plus de vivacité que de coutume ; elle ne négligea aucun moyen de plaire, peut-être sans se rendre compte de son intention ; en tout cas, si elle eut celle de charmer Tom, elle y réussit à souhait.

M. Supple, ministre de la paroisse de M. Allworthy, se trouvoit au nombre des convives. C’étoit un brave et digne homme, doué d’un appétit peu commun, et remarquable par sa taciturnité à table, quoiqu’il n’y eût jamais la bouche fermée. En revanche, la nappe ôtée, il dédommageoit amplement la compagnie de son silence. Il avoit l’humeur joviale, et sa conversation, souvent amusante, n’étoit jamais offensive.

On n’avoit pas encore servi le roast-beef, quand il arriva. Il donna à entendre qu’il apportoit des nouvelles, et se préparoit à les raconter, quand l’apparition de son mets favori, lui coupa la parole. Il se hâta de dire son benedicite et de rendre ses hommages au seigneur roast-beef, comme il l’appeloit.

Après le dîner, Sophie lui demanda ses nouvelles.

« Hé bien ! mademoiselle, dit-il, vous avez pu remarquer, hier au soir, à l’église, une jeune fille vêtue d’une robe fort élégante. Je crois me souvenir de vous en avoir vu une pareille. De telles parures sont, dans nos campagnes,