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ses airs favoris. L’écuyer lui en sut si bon gré, qu’il se leva brusquement, courut l’embrasser, et jura qu’elle avoit fait des progrès surprenants. Sophie saisit cette occasion de présenter à son père la requête de Tom. Elle réussit au gré de ses désirs ; M. Western lui dit : que si elle vouloit jouer encore une fois le vieux sir Simon, il donneroit le lendemain matin à Black Georges une commission de garde. Le vieux sir Simon fut joué tant et tant, que le bon écuyer finit par s’endormir. Le lendemain, Sophie eut soin de lui rappeler sa promesse. Il chargea aussitôt son procureur d’arrêter les poursuites commencées contre Black Georges, et de lui expédier sa commission.

L’issue de cette affaire fut bientôt connue dans le canton. On en parla diversement : les uns applaudirent au bon naturel de Tom ; les autres observèrent avec malignité, qu’il n’étoit pas étonnant qu’un mauvais sujet en protégeât un autre. Le jeune Blifil enrageoit de tout son cœur. Il haïssoit depuis long-temps Black Georges, autant que Tom l’aimoit, non qu’il en eût jamais reçu la moindre offense, mais par une suite de son grand attachement à la religion et à la vertu ; car Black Georges passoit pour un libertin. Blifil représenta la conduite de Tom, comme une insulte faite à M. Allworthy, disant avec une douleur