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fasse mon compliment sur la rare intelligence de votre neveu. Dans un âge où la plupart des enfants n’ont d’idées que des objets sensibles, il se montre capable de discerner le juste d’avec l’injuste. L’esclavage est en opposition avec la loi naturelle, qui veut que tout ce qui respire soit libre : ce sont ses propres paroles, et l’impression qu’elles ont faite sur moi ne s’effacera jamais. Est-il possible d’avoir une notion plus sublime de la règle de la justice et de l’éternelle convenance des choses ? Ah, la brillante aurore de cet enfant me présage que dans son midi, il égalera les deux Brutus !

— Cet enfant, répondit le fougueux Thwackum, après avoir répandu une moitié de son verre et avalé le reste, cet enfant ressemblera, j’espère, à de plus honnêtes gens que vos Brutus. Le passage de l’Écriture qu’il a cité m’en inspire la confiance. Votre loi naturelle est une chimère, un mot vide de sens ; je ne connois point de loi semblable, ni de justice qui en dérive. Faire aux autres ce que nous voudrions qu’on nous fît, voilà le précepte de la religion chrétienne. L’enfant l’a dit, et je m’applaudis de voir que mes leçons aient produit en lui de si bons fruits.

— Si la vanité ne blessoit pas les convenances, repartit Square, je pourrois m’en permettre un peu. On voit assez, je pense, à quelle source l’en-